Un maquillage "réussi" prend du temps ; mais cette prise de temps ne se voit pas : le maquillage se donne comme tel, comme une peinture : le travail est invisible. (Il faut être initié pour savoir.)
On rejoint la conception du style pour Sartre (quelque part dans L'être et le néant) : une feinte transparence, un fin lissage, qui toujours sert le propos : le style est un outil de séduction.
Tout comme le maquillage — que ce soit envers mâles ou femelles (instrument de survie de l'espèce et de soi).
Le maquillage de la geisha est la victoire de l'artifice : la femme disparaît sous la fonction. Ce n'est plus du maquillage, c'est du grimage : il se montre, à dessein, d'évidence. C'est part d'un art qui n'a qu'un but : l'entertainment, aussi fin soit-il.
(Si le maquillage progresse chez les hommes, c'est toutefois encor le costume qui remplit l'office : voyez si le salaryman ne disparaît pas sous son noir appareil.)
"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement / Et les mots pour le dire viennent aisément."
Vers outre-cités à tort et à travers. Ne s'y laisser tromper pas. Le premier alexandrin est règle et vérité : une conception claire peut toujours se traduire en énoncé univoque. Ce qui, la plupart du temps, et contrairement à ce que Boileau avance dans le second alexandrin (le pauvre homme sacrifie à l'orgueil et au maquillage), requiert long temps et grand travail, qui commence bien avant la mise en mots. (Voyez Wittgenstein, aussi, pour rappel.) Un tel était réputé pour ne plus savoir s'exprimer qu'en vers : le tournemain fait tout : l'écrire est un artisanat.
Écrire comme femme se maquille...
C'est mot joli d'adolescent... Mais c'est aussi disjoindre masque et visage, c'est présupposer que l'idée a besoin d'apprêt pour tenter de plaire, c'est privilégier la forme et l'artifice sur le fond, c'est vouloir le plaire, l'éloge et le privilège, et non pas le partage... C'est, enfin, m'est avis, grand dommage.
Pour ma part, je continue de penser que le maquillage au mieux n'enlaidit pas.
Que le visage qui n'est jamais aussi joli qu'au réveil, est signe d'une bonne nature.
Qu'avant de pouvoir écrire il faut avoir beaucoup lu.
Et qu'ensuite il faut tout oublier, pour revenir au sens des mots.
1 commentaire:
Plutôt qu'un "edit", en commentaire-appendice, ce court échange de courriel :
"Sauf bien évidemment si écrire signifie ici, dans le contexte
spécifique de textes incompatibles avec la promotion de la cosmétique
: calligraphier
SB"
Ah, je vois : calligraphie : j'étais bien loin d'avoir cet aspect du mot à l'esprit.
Mais la calligraphie n'est-elle pas, à l'extrême, illisible ? n'est-ce pas l'anti-écrire absolu, qui se résoudrait dans le dessin ou la peinture (d'où le maquillage, peut-être) ? le "bel écrire" n'aurait-il pas, au fond, que le "bel" (et que le soi) en tête ? Alors que le maquillage/grimage répond toujours à des codes lisibles et pré-déterminés ? Je ne sais.
Je tiens à vous remercier, au passage, pour vos réflexions régulières sur "Tropiques japonaises", qui sont toujours des pistes et stimulants certains pour d'autres pensées, quelque soient les divergences de celles-ci.
(Et votre travail photographo-numérique vaut à lui seul son pesant d'or.)
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