Kino no Tabi : The Beautiful World / キノの旅 : The Beautiful World, est à l'origine une série de romans de Shigusawa Keiichi et fut adapté en anime par ACGT et Genco en 2003, à travers 13 épisodes, puis deux petits films d'animation.
L'histoire ? Kino, une petite fille, qu'on prend souvent pour un garçon, tireur d'élite et voyageuse, parcourt divers "pays" — trois jours deux nuits pour chaque — en compagnie d'Hermès, sa motocyclette (motorad dans la terminologie de ce monde) qui, se trouve-t-il, peut parler.
Tout est réalisé très correctement, sans frou frou mais sans lacune. On va pas s'éterniser.
Les "pays" traversés sont contrastés — technologie, coutumes — et n'ont souvent que peu de rapport avec leurs voisins. C'est un peu le concept des planètes de Star Wars (mono-pensée géographique simplificatrice : chaque planète a une grosse ville et toute la planète est recouverte soit de désert, soit de forêt, etc. : vous saisissez l'idée, n'est-ce pas) : ici chaque "pays" est assimilé à une ville ; la cambrousse autour n'en fait pas même partie.
L'intérêt de la chose ?
C'est que tous ces pays, même quand ça semble aller très bien, ont souvent quelque chose qui cloche sérieusement. Et Kino, en bon voyageur qui ne se permet de faire part de son avis aux locaux, sert de sorte d'enregistreur. Une observatrice passive, quoi. La tradition, les us et coutumes ne sont pas jugés — on en reste à des dialogues du style Merci de m'avoir expliqué les choses Au revoir —sauf quand il y a clairement massacre délibéré, ou quand la vie de la demoiselle est menacée — mais elle ne craint pas grand-chose, sachant très-bien se défendre toute seule, et n'hésitant pas à tuer plein de monde si nécessaire. Au public de se faire une idée. Probablement fausse.
Le bilan dressé n'est pas très glorieux : chaque pays traversé est une incarnation d'une folie humaine plus ou moins douce. Et tout ou presque y passe : folie de la religion, de la démocratie, de la science, de l'aristocratie décadente, de la hiérarchie, de la lutte à tout prix contre la maladie, contre la guerre, de l'obéissance aux ordres, etc.
Il y a un côté Kafka certain, ça vire rapidement à l'absurde, d'autant plus que le personnage principal ne fait que passer. Et je dois dire que c'est assez sympa — relativité des cultures, traditions, modes de vie, qui ne tiennent ni ne rime à rien sinon à assurer le confort et contenter l'égo d'une grande part ou de quelques uns, avec une dose inévitable d'ostracisme, de culpabilité, d'auto-justification, de cadavres et de squelettes dans le placard.
Et cette motocyclette qui parle ? Certains personnages ne la peuvent entendre ; elle commence de parler alors que l'héroïne, alors toute petite fille, manque de se faire tuer pour n'être conforme à la règle de son pays (elle émet une remarque à propos de l'opération que subissent les habitant à douze ans, à fin d'en faire des travailleurs dociles avec le sourire) et s'en sort grâce à l'interposition d'un voyageur, le "Kino" originel, qui se fait tuer à sa place. Elle s'enfuit avec la moto et prend le nom de son sauveur.
Du coup, le coup de la motocyclette qui parle ramène à l'hypothèse d'une probable hallucination auditive compensatrice. Si l'on ajoute cela au fait que l'héroïne ne joue jamais au Héros salvateur et ne se mêle de ce qui ne la regarde — sa sûreté mise à part, je ne vois pas —, ça donne un mélange fort intéressant et certainement à contre-courant de l'idéologie shonen dominante. En tant que narrateur, n'est-ce pas.
Plein d'autres choses à dire : il faudrait détailler ce qui se passe dans chaque pays. L'un des meilleurs passages de cette courte série demeure "Le Colisée", qui s'étale d'ailleurs en deux épisodes centraux, où Kino, qui se décide de participer à un combat forcé avec d'autres voyageurs — le prix étant de pouvoir devenir citoyen supérieur et ajouter une loi au pays —, oblige tous ses adversaires à l'abandon, finit par exploser le roi dépravé de ce pays et ordonne, comme loi nouvelle, que tous les citoyens supérieurs hédonistes se battent à mort pour désigner le nouveau roi, avant de repartir l'air de rien. Belle morale.
Reste que treize épisodes et deux petits films, c'est un peu court, on en voudrait encore. Peu de chance que ça se fasse, et c'est bien dommage.
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