Un têtard japonais gambarant mal barré.
頑張る — がんばる
Le Gambaru, c'est la mythologie japonaise par excellence, et l'exact opposé de la culture du génie.
Gambaru, c'est en gros faire de son mieux en prenant sur soi, une sorte d'abnégation forcenée, qui s'applique à tout et n'importe quoi (boulot, civilité, sport, &c.) du moment que ce quoi est déplaisant : on ne gambare pas par plaisir, c'est mal vu.
Le gambaru est par ailleurs entré dans l'esthétique nippone, et si d'aventure apparaissait à la télé quelqu'un qui se démenât, il serait fort probablement gratifié d'un Kakkoiii ! sauf si d'autres facteurs intervenaient, comme la calvitie ou l'obésité ; mais c'est une autre histoire.
Au Japon, gambarer c'est une chose, gagner c'en est une autre.
Qui nécessite l'aide des dieux, semble-t-il.
Notez toutefois que l'important, c'est moins le gambaru que l'apparence du gambaru — d'où ces grimaces et courses inutiles en terrain de foot, et ces longues heures de (présence au) boulot, voire ces heures de maquillage, et aussi ces roupillons qu'on pousse sans gêne dès que tout le monde a le dos tourné, ou fait semblant de ne regarder pas. Il faut donner l'impresssion de faire de son mieux, de s'agiter, d'en chier correctement.
En un sens un peu moins prolo, le gambaru, c'est aussi ne pas savoir sa place, c'est persévérer en dépit du bon sens, malgré tout, car il est censé incarner l'âme nipponne, qui vainc et surmonte tous obstacles (surtout quand ils sont étrangers, y compris soi-même : Quand bien même vous n'auriez aucun talent pour servir l'Empire, vous reste le talent du gambaru) par la persévérance, l'effort continu et répété — et l'important, une fois encore, c'est la visibilité de l'effort fourni, pas le résultat.
Enfin bon, le résultat compte tout de même, car le gambaru n'existe que s'il y a public, que s'il y a encouragement (応援 おうえん) à persévérer. C'est l'invective, l'ordre du Gambare ! (Allez, donne-toi à fond, vas-y, tiens bon ! et autres bêtises), ce cri de soutien du spectateur au sportif, de la femme au foyer au mari — bref, de celui qui ne fout rien, à celui qui trinque, trime et sue. Et même si en cours d'(apparence d')effort le persévérant est l'objet de tous éloges, attendez de voir le changement d'attitude si jamais le match est perdu, si jamais la paie ne tombe pas dans le compte en banque de l'épouse en fin de mois...
Des gambarants en jour de chôme.
Du coup, on montre bien plus souvent un persévérant nippon qui gagne, si possible : voyez par exemple la tripotée de manga sur le sujet, depuis Salaryman Kintaro à Hajime no Ippo. Ou de dorama / drama, d'ailleurs.
Le Gambaru n'est toutefois pas loin de l'American Dream et du mythe du SMM (Self-Made Man) — manquent juste quelques facteurs décisifs : l'ambition, l'initiative, la prise de risque, n'est-ce pas. C'est que le gambaru préfère se la jouer safe, et l'on ne va jamais que dans le sens entendu / attendu des encourageants et supporters. On risquerait d'être traité de génie, et c'est mal vu, ça aussi — sauf si le-dit génie est reconnu comme tel à l'Ouest ; mais c'est une autre histoire. Et du reste, je n'en ai jamais rencontré.
On pourra mettre le gambaru sur le dos d'une tradition ou "disposition / nature" nationale à laquelle l'étranger ne pourra, parce qu'étranger, de toute façon rien comprendre, n'est-ce pas.
Après l'apparence d'effort, le semblant de réconfort.
Ce n'est pas le moindre paradoxe apparent du gambaru que d'être présent dans une société qui infantilise, dorlote et assiste à ce point ses membres — enfin, ceux qui ont les moyens de l'être, parce que les autres, ils peuvent crever. Du "service à la japonaise" aux distributeurs automatiques.
Enfin bref, c'est une fois encore de la tartine-généralité tout ça, qu'il serait intéressant de creuser mais pas le temps, et le Japon ne manque par ailleurs pas de jeunes entrepreneurs, de professés-libéraux et d'aspirants peintres malgré les parents. Amusant de constater que les noms qui surnagent, sont rarement ceux des gambarants-modèles, parce que bon, un persévérant sans talent, ça n'a jamais donné grand-chose, n'est-ce pas : c'est comme partout.
J'dis ça j'dis rien.
Brûlez un cierge pour les Japonais morts au gambaru.
Car la viande noire fait la nique aux crocs, madame
頑張る — がんばる
Le Gambaru, c'est la mythologie japonaise par excellence, et l'exact opposé de la culture du génie.
Gambaru, c'est en gros faire de son mieux en prenant sur soi, une sorte d'abnégation forcenée, qui s'applique à tout et n'importe quoi (boulot, civilité, sport, &c.) du moment que ce quoi est déplaisant : on ne gambare pas par plaisir, c'est mal vu.
Le gambaru est par ailleurs entré dans l'esthétique nippone, et si d'aventure apparaissait à la télé quelqu'un qui se démenât, il serait fort probablement gratifié d'un Kakkoiii ! sauf si d'autres facteurs intervenaient, comme la calvitie ou l'obésité ; mais c'est une autre histoire.
Au Japon, gambarer c'est une chose, gagner c'en est une autre.
Qui nécessite l'aide des dieux, semble-t-il.
Notez toutefois que l'important, c'est moins le gambaru que l'apparence du gambaru — d'où ces grimaces et courses inutiles en terrain de foot, et ces longues heures de (présence au) boulot, voire ces heures de maquillage, et aussi ces roupillons qu'on pousse sans gêne dès que tout le monde a le dos tourné, ou fait semblant de ne regarder pas. Il faut donner l'impresssion de faire de son mieux, de s'agiter, d'en chier correctement.
En un sens un peu moins prolo, le gambaru, c'est aussi ne pas savoir sa place, c'est persévérer en dépit du bon sens, malgré tout, car il est censé incarner l'âme nipponne, qui vainc et surmonte tous obstacles (surtout quand ils sont étrangers, y compris soi-même : Quand bien même vous n'auriez aucun talent pour servir l'Empire, vous reste le talent du gambaru) par la persévérance, l'effort continu et répété — et l'important, une fois encore, c'est la visibilité de l'effort fourni, pas le résultat.
Enfin bon, le résultat compte tout de même, car le gambaru n'existe que s'il y a public, que s'il y a encouragement (応援 おうえん) à persévérer. C'est l'invective, l'ordre du Gambare ! (Allez, donne-toi à fond, vas-y, tiens bon ! et autres bêtises), ce cri de soutien du spectateur au sportif, de la femme au foyer au mari — bref, de celui qui ne fout rien, à celui qui trinque, trime et sue. Et même si en cours d'(apparence d')effort le persévérant est l'objet de tous éloges, attendez de voir le changement d'attitude si jamais le match est perdu, si jamais la paie ne tombe pas dans le compte en banque de l'épouse en fin de mois...
Des gambarants en jour de chôme.
Du coup, on montre bien plus souvent un persévérant nippon qui gagne, si possible : voyez par exemple la tripotée de manga sur le sujet, depuis Salaryman Kintaro à Hajime no Ippo. Ou de dorama / drama, d'ailleurs.
Le Gambaru n'est toutefois pas loin de l'American Dream et du mythe du SMM (Self-Made Man) — manquent juste quelques facteurs décisifs : l'ambition, l'initiative, la prise de risque, n'est-ce pas. C'est que le gambaru préfère se la jouer safe, et l'on ne va jamais que dans le sens entendu / attendu des encourageants et supporters. On risquerait d'être traité de génie, et c'est mal vu, ça aussi — sauf si le-dit génie est reconnu comme tel à l'Ouest ; mais c'est une autre histoire. Et du reste, je n'en ai jamais rencontré.
On pourra mettre le gambaru sur le dos d'une tradition ou "disposition / nature" nationale à laquelle l'étranger ne pourra, parce qu'étranger, de toute façon rien comprendre, n'est-ce pas.
Après l'apparence d'effort, le semblant de réconfort.
Ce n'est pas le moindre paradoxe apparent du gambaru que d'être présent dans une société qui infantilise, dorlote et assiste à ce point ses membres — enfin, ceux qui ont les moyens de l'être, parce que les autres, ils peuvent crever. Du "service à la japonaise" aux distributeurs automatiques.
Enfin bref, c'est une fois encore de la tartine-généralité tout ça, qu'il serait intéressant de creuser mais pas le temps, et le Japon ne manque par ailleurs pas de jeunes entrepreneurs, de professés-libéraux et d'aspirants peintres malgré les parents. Amusant de constater que les noms qui surnagent, sont rarement ceux des gambarants-modèles, parce que bon, un persévérant sans talent, ça n'a jamais donné grand-chose, n'est-ce pas : c'est comme partout.
J'dis ça j'dis rien.
Brûlez un cierge pour les Japonais morts au gambaru.
Car la viande noire fait la nique aux crocs, madame
5 commentaires:
Moi j'aime bien la philosophie du "gambaru". Cet espèce d'élan spontané -ou non- du volontarisme et son expression à la face de la société nipponne qui vaut pour un "Bon, regardez moi, je vais y arriver".
Car le "gambaru" est rarement effectué sans but. Non, il y a toujours un objectif affiché, à atteindre, à réaliser. Et pour parvenir à ses fins, on se met en lumière pour obtenir des autres qu'ils nous supportent, nous accompagnent, ou tout simplement regardent l'accomplissement de notre volonté à atteindre cet objectif.
C'est pourquoi le Gambaru est une prise de responsabilité, de risques et au fond, un peu, d'ambition. Celle de se faire remarquer dans une société qui loue l'effort de soi inséré dans une logique collective. Oui, briller accessoirement par son labeur et sa capacité à endurer. Une logique très éloignée du registre du self-made-man américain et sa sensibilité égoïste et proprement individualiste où les capacités intellectuelles priment.
Mais là où les deux ambitions se rejoignent, c'est que le "gambaru" est aussi une logique qui doit déboucher sur un résultat: La réussite.
L'échec, malgré la clémence dont on pourrait faire preuve dans cette volonté d'essayer, d'avoir voulu réussir, est aussi un revers qui ostracisera davantage l'individu, finalement jugé inapte à remplir ses objectifs, même avec courage, abnégation et la meilleure volonté du monde*.
Le jugement des autres, un couperet supplémentaire dans la société nipponne.
Finalement, le Japan Inc, c'est un peu comme la Juventus de Turin.
"Il y a ce dicton à propos des Bianconeri: La Juve, c'est "dix ouvriers et un génie". Les premiers ont pour mission de se battre pour le dernier. Même exigence sur le pré: pas tellement conseillé aux amoureux du toque, le jeu de la Juventus est avant tout fait de sueur, de discipline et d'efficacité. Tout entier tendu vers la victoire, le seul objectif qui vaille."
So Foot, numéro de Novembre 2009 - "Juventus, la classe ouvrière".
Et jusqu'à présent, malgré tout ce qu'on peut dire, c'est une méthode qui a toujours porté ses fruits. Autant pour les nippons que la vieille dame de Turin.
Comme quoi le foot...
Clarence, supporter intransigeant
* Mais bien sûr, on peut aussi réussir à se défosser collectivement, excuser son échec, etc, etc. La médiocratie est parfois aussi bien ancré là-bas qu'ailleurs. Comme quoi, j'dis ça, j'dis rien.
Oh, long time no see, Clarence.
Certes certes, moi ça me sort par les trous de nez ce Gambatte et Gambarimasu, excuses pour s'agiter, se dédouaner, et ne pas faire grand-chose en fin de compte, la plupart du temps, tout simplement parce que peu de gens veulent gambarer. Ben oui : c'est fatiguant.
Allez, il est tard : je vais me coucher.
Mon 頑張ろう prefere, ヨッシ, c'est celui des 宅急便, des livreurs. Et vas-y que ca court pour livrer un paquet, et vas-y que ca court pour chercher un paquet. Poussette devant, laissez passez, ecartez vous, j'ai une livraison, et c'est pas du gateau, hein! Et puis, alors que vous, vous allez tranquilement a votre rythme, vous recroisez ledit livreur ou un autre, dans sa camionette, toute clim a fond, en train de faire sa sieste...
J'aime aussi le 頑張ります des etudiants de 英会話. La, on frole souvent le chef d'oeuvre. Ca ne veut pas faire d'exercice a la maison, ca ne veut pas trop apprendre. Ca aime "ecouter des programmes dans mon iPod". Et ca veut parler rapidemement, mais "難しかった”. 頑張ります. Sans faire de travail personnel, je ne vois pas bien ce que signifie ganbarer... Ou plutot si, je suis d'accord avec toi : le fait de montrer qu'on veut y arriver est plus important qu'y arriver. Et je pense que ce n7est pas discriminant de ne pas y arriver puisque c'est ce qui valorise ceux qui reussissent! Ca prouve leur intelligence.
La ganbarisation du Japon, c'est le secret de la domination de ses elites. Allez, ganbarez, les gars!
Il y a quelques années, j'avais entendu parler d'un mouvement anti-gamba, les "gambaranai", qui auraient rejeté le mot de gambaru comme étant symbole du désintérêt profond que les uns portent aux autres. Vas-y, donne à fond, mais ne ME DEMANDE RIEN, putain, reste dans ta sphère, surtout.
Avouons qu'un "gambatte", c'est tellement précieux pour se débarrasser poliment d'une cruche qui vous raconte sa vie alors que vous voulez allez regarder Red Carpet à la télé.
Le gambare est souvent d’une impolitesse crasse, d’un individualisme atroce : tu peux crever en persévérant, mais ne comptes en rien sur moi. Même pas un conseil : je pense que tu t’enfonces dans la merde, mais c’est ton choix, gambatte, si c’est ta voie.
Le gambare est la fin de la discussion, qui n’avait pas lieu d’être puisque que c’est le Japon, mais qui pour nos yeux occidentaux n’est pas un acte destructeur (parce qu’ébranlant des convictions posées sur des fétus de logique, mais pas plus), plutôt une manière de bâtir plus solidement dans l’échange de points de vue.
Mais le gambaru, propre à soi-même, il ne me gène pas en soit. Je rejoindrais sans doute Clarence, dont le texte étonnamment censé pour un homme proche de la cirrhose m'impressionne et me réjouit, le Gambaru est un des nerfs du Japon naïf, mais qui n’en veulent, c’est beau. Juste, je conchie les autres quand ils TE le disent.
L'auto-motivation, m'est avis, ce n'est plus du gambaru à la japonaise. Et, surtout, parler n'est pas faire. Du reste, le Japon n'est pas la Juv' : il suffit de voir le bordel actuel. Le gambaru c'est la sclérose ! ; )
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