Mardi, au matin encor.
Point aussi froid ; mais le vent, à emporter les sapins morts jetés dans la rue, à tordre ces cheminées de métal blanc, à décourager les pigeons et les funambules, à décoiffer les Maraisiens, à faire caqueter les volets et sucrer les antennes, à tacler les gens fluets, rachitiques ou inédiques. Soldes, aussi, dont on profite modérément.
On ne voit, parmi les choses que l'on peut voir, que celles qu'on veut bien voir. Quand le paysage est trop peu accommodant, on invente. (Ce doit être déroutant, ce passage d'un on à l'autre, si l'on ne sait pas lire.)
Les choses desquelles on pouvait s'entretenir (s'entretenir est un mot d'un sens et d'une superbe peu communs ; à tout le moins il me touche sans fin) avec A vont retrouver des bribes de places dans ces pages.
Fond de café.
Chaque jour. Chaque jour je me dis, à un moment ou un autre, que j'eusse une fois encore mieux fait de me taire. Mutisme croissant, nécessairement. Une manière d'auto-censure, ce qui est triste, tout bêtement. C'est que les affinités, au quotidien, manquent, je suppose, ici ou là.
Trop-plein d'énergie, ces derniers temps, dont, forcément, on se sait parfois que faire, en particulier face à l'inertie environnante, qui agace. Depuis début janvier, le midi des jours ouvrés, on s'est mis au sandwiche sans pain : une tomate, une carotte, une tranche de jambon, un morceau de fromage, deux yaourts : bien mieux ainsi. On s'est également remis à fumer (la cigarette) de manière quotidienne ; bien moins qu'avant, certes (c'est non-fumeur chez soi, et la froidure ne prête pas au balconnage). Chocolat variés et inévitables, on ne se refait pas : c'est une manière de carburant. À nouveau de l'exercice, aussi. Et des sorties — théâtre, cinéma, expositions — à présent principalement solitaires.
Au fil des ans ne manquent pas les occasions de constater que j'appartiens au type de la goutte et du vase, bon an mal an. C'est le corps qui parle, quelque réfléchie que soit la conduite, la plupart du temps. A manque, je m'y attendais, tout comme je n'attendais pas de réponse. Prise de devants, peut-être, un peu comme se tirer une balle dans l'épaule pour en éviter une autre en plus fâcheuse place.
L'envie manque pour trier les photos de septembre 2010 (déjà choisies, éditées et filigranées : le plus gros et fait, remarquez), en vue d'un billet : c'est un voyage en Europe, et plus de 1800 images.
Lectures très récentes. Le grand écart fut vite et agréablement passé. Le superbe de deux des Trois contes de Flaubert. Quelconque Guirlande de Derême. Yourcenar : emporté par Le coup de grâce, ennuyé par L'Œuvre au noir. Les livres qu'on n'a pas l'intention ou l'intuition de relire partent à la poubelle (car à qui les refiler, hein ?).
On a sorti, lors du rangement des bibliothèques au premier janvier, les livres qui seront nos prochaines lectures : on s'est dit qu'on avait suffisamment évité les écrivains de sexe féminin (d'où Yourcenar) ; que, puisque les pulsions rongeaient, on allait relire ce qu'on avait ici de Kafka ; qu'Hespérus irait bien aussi ; et qu'en guise d'assaisonnement, un Jarry, un Bonnefoy et un Guillevic, feraient l'affaire. Au rhythme où l'on va, tout cela risque de ne pas bien durer long-temps. Et c'est tout aussi bien : on n'a jamais fini.
Samedi dernier, vers cinq heures du matin, au coin de la rue de Lorraine et de celle de Crimée, ce Maghrébin, selon toute probabilité arabe et musulman, dans la rue, d'une voix désespérée, qui criait à tue-tête : "Ils ont tué le Coran ! Ils ont tué le Coran ! Putain, ils ont tué des gens ! des gens ! Ah ! ils ont tué le Coran !"
Allez.
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